Broadcast – Work and Non Work

broadcast-work-and-nonworkAnnée de parution : 1997

Édition : Vinyle, Warp – 2015

Style : Dream Pop, Space Age Pop Psychédélique, Trip-Hop, Électro-pop, United States of America worship (le groupe, pas le pays).

Note : ★★★★½

Dès que je me mets un Broadcast dans le mange-disque et que les premières notes éthérées et doucereuses s’envolent dans l’éther (devenu sublimé et brumeux par l’occaz), je me sens tout chose… Mon cerveau se remémore des souvenirs vaporeux d’événements que je n’ai pas vraiment vécus… Une intense nostalgie pour un passé uchronique m’assaille tous les sens. Car quand on écoute la musique de ces Anglais amoureux d’atmosphères libidineuses et de textures ouatés, on a vaguement l’impression de se trouver à une de ces sauteries musicales dans un club illicite (car illégal) de l’Angleterre fin sixties ; plus particulièrement celle de l’univers dystopique du Maître du Haut Chateau (de Philip K. Dick, ce géant de la SF). Magnifique propriété atemporelle qu’est celle de la pop-psychée de Broadcast. Voyage dans une mer de sons familiers et qui ont pourtant cet aspect complètement « autre » (que je ne saurais mieux définir que par ce mot).

L’album présentement chroniqué n’en est pas vraiment un… C’est en fait une compilation des débuts du groupe (singles et EP). Mais la cohésion est telle que je le considère comme une oeuvre unifiée. La matière sonore de Broadcast était déjà cohérente et maitrisée à souhait dans ce ramassis d’essais merveilleux. Leurs influences multiples et vénérables (USOA, Silver Apples, White Noise, Morricone, la BBC Radiophonic Worshop, l’exotica, le yé-yé, la library music, la sunshine pop, le dream pop, le lounge, la musique électro-acoustique et les trames sonores de films de genre 60s/70s) sont déjà toutes présentes et même si le désir de rendre hommage est assez évident, ils réussissent toujours à ce que la somme de ces influences donne un tout résolument unique et personnel. Ça a toujours été la force première de ce groupe. Ça et des chansons complètement folles, elles-mêmes transpercées de parts et d’autre par ce spectre sonore analogiquement hanté. Parce que la musique de Broadcast est un fantôme. Mais un fantôme bienveillant qui possède la collection vinyle complète d’Esquivel.

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FACE A : Le disque débute avec le très downtempo « Accidentals ». Opium-musique porté par des claviers vieillots et cette prod jazzy-trip-hop un peu distante. C’est un peu comme si Victorialand des Cocteau Twins avait été enregistré en 1968 par un groupe de freak-pop, avec une prod signée Jean-Jacques Perrey et/ou Jean-Claude Vannier. Délicieuse et lascive introduction que voilà. On se tape ensuite le premier succès mineur du band, « The Book Lovers », pièce qui avait réussit à rejoindre un plus vaste public vu qu’elle figurait dans la bande son du premier Austin Powers (et ne faisait pas pâle figure à côté du génial « Incense and Peppermints » de Strawberry Alarm Clock). Ici, c’est l’opulence. Arrangements morriconesques (période lounge-giallo), cordes concupiscentes, batterie kraut, échantillonnage sonore à foison, claviers miraculés et au coeur de tout cela : la voix magnifiquement ensorcelante de Trish Keenan (une de mes chanteuses préférées de tous les temps). Une voix superbement posée, douce, juste, faussement frêle et toujours empreinte d’un profond mystère. C’est beauuuuuuu !!! Et accessoirement, cela aurait fait un foutu bon thème de James Bond ! Un petit coda très Boards of Canada (du genre « musique de fond d’un vieux documentaire sur la migration des saumons d’eau douce ») fait alors place à la géniale « Message from Home ». L’influence du grand Ennio dans sa période freak-beat-psych est encore bien présente dans le choix de l’instrumentation et ces breaks de batterie alléchants. « Phantom », c’est quand Mort Garson s’invite au studio le temps d’une berceuse instrumentale spécialement composée pour les poissons solubles (de Breton). La première moitié du disque se termine sur « We’ve Got Time » qui aurait fait un super thème d’épisode de Dr. Who ou autre film de SF obscur et nébuleux. Le travail sur les claviers est ici singulièrement réussi/inusité.

FACE B : C’est un « Living Room » entrainant et folichon qui introduit ce deuxième côté. Ce morceau plaira forcément aux fans finis de Stereolab (comme moi) vu un passage très kraut-rock au centre de la pièce. De plus, le titre me donne le goût de passer un après-midi dans le salon du couple Cargill/Keenan (à écouter des obscurités sur vinyle ou se mater des perles de la nouvelle vague tchèque). On retourne dans la langueur avec « According to no plan », piste très particulière… C’est une autre berceuse fantasmatique, obtuse, entre rêve et cauchemar, bourrée à pâmoison de claviers planants/ronronnants que n’auraient pas renier nos amis de White Noise. S’ensuit ma chanson préférée de toute la compilation : « The World Backwards ». Aaaaah, ce morceau !!! Cette basse ultra-cool, cette tapisserie sonore qui vient colorer le tout de teintes kosmiques, ce refrain enchanteur qui me fait lever tous les malins petits poils de mon entité corporelle, cette putain de voix magique (Trish, je t’aime !), ce passage très « Jaromil Jireš » où le rideau se lève et on entrevoit cet autre monde cabalistique qui n’est que le reflet diffus de notre réalité… Through the looking glass… Facilement un de mes 10 morceaux préférés du groupe. Le disque se conclut sur la bien nommée « Lights Outs ». Broadcast aime bien terminer leurs offrandes discographiques sur une énigme sonore bluffante… nous laissant errer à la frontière de cet autre univers évoqué plus haut. C’est pleinement réussi avec ce morceau de cloture divinement extra-terrestre (ces claviers, bordel !).

Bref, donc, voilà… Que ceux qui disent que cette compil est dispensable se taisent sur le champ ! De toute façon, TOUT est essentiel dans la disco de Broadcast. Et cette courte compilation est un point d’entrée idéal dans l’univers fascinant du groupe.

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